Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Réminiscences-1
Réminiscences-1
Publicité
Archives
30 juillet 2006

Mes jeunes années à Strasbourg...

C'est donc en janvier 1959, après ce bref intermède dans la "France de l'intérieur" que je suis revenue en Alsace.

Nous habitons à présent un logement au 3ème étage d'une hlm de la Meinau. Un immeuble de neuf étages !!!Même à Luxeuil il n'y en avait pas d'aussi haut. Neuf étages !!! Ce n'est pas rien. De quoi regarder de haut les copines vivant en maison individuelle.  C'est le Pérou ! Que dis-je ?... C'est l'Amérique !!!... Moi qui jusqu'à il y a trois mois encore faisais ma toilette à l'eau froide devant l'évier de la cuisine, qui allais faire pipi dans le cabinet derrière la maison (fallait descendre la cour, traverser la grange après avoir tiré le verrou de la porte, ouvrir la porte de derrière, celle qui mène au jardin pour enfin accéder au petit coin), qui rentrais des corbeilles de bois pour le fourneau... Et à présent, nous avons une salle de bain, un w.c. (on ne dit plus cabinet), il suffit de tourner le bouton du radiateur pour avoir chaud, et ... j'ai une chambre pour moi toute seule !!! Du grand luxe, vous dis-je...

Je termine donc ma classe de 6ème à la Doctrine Chrétienne. Ca se passe très bien. Bonnes notes, bonne élève.

Je passe en 5ème. Toujours de très bonnes notes. A la remise des prix en fin d'année, je raffle prix d'excellence, compliments et une montagne de livres.

L'école et la maison ? Deux mondes totalement différents. Aller à l'école est pour moi un vrai bonheur, une ouverture sur la vie. Grâce aux études, je m'échappe du triste quotidien qui règne dans mon hlm.

Je me rends à l'école en tram. Un bon vieux tram aux banquettes de bois, toujours bondé. Mais, avec les copines, on trouve toujours le moyen de se mettre ensemble.

Mireille Boehler, Marie-Jeanne dont je ne me souviens plus du nom, quelque chose comme Meoni qui nous venait de Tunisie, Marie-Noelle, Sonia Eberhart, Annie Dro... et les autres, qu'êtes-vous devenues ?

Bernard Goepp est mon premier bon copain. J'ai douze ans, il en a onze. Nous sommes quasiment inséparables. Toutefois, maman voyait cette amitié d'un mauvais oeil. Elle m'avait prévenue, elle ne voulait plus que nous nous voyons. J'ignore pourquoi cette décision péremptoire ... Je l'ai revu pourtant, moi à ma fenêtre du troisième étage, lui loin en-dessous. Je me souviens que nous parlions des devoirs du lendemain. Maman nous a surpris et elle m'a mis une raclée dont je gardais les traces des jours durant.

Maman est une femme autoritaire. Rémy et moi avons été élevés de façon très totalitaire. Le pouvoir absolu, c'est elle. Elle décide de tout. Elle punit, elle frappe... La tendresse, connait pas... Ou alors, réservée au petit dernier. Même le militaire de carrière n'a pas son mot à dire. Celui-là, de toute façon passe son temps à étudier pour passer d'éventuels examens lui permettant de monter en grade. 

Exit donc, le petit copain...

Nous ne roulons pas sur l'or. La solde d'un sergent-chef de l'armée de l'air ne nous permet aucune folie. Des gens bien intentionnés nous refilent des vêtement qu'ils ne peuvent ou ne veulent plus porter. Les tentations de maman pour les mettre au goût du jour sont dérisoires. Je ne peux pas passer sous silence les vieilles fringues que maman m'oblige à porter. Pas question de me lamenter ou me rebeller devant le choix déterminé de ma mère. Il m'arrive de surprendre le regard étonné et gêné de mes amies devant ma mise quelque peu démodée.

bapt_me

bapt_me

Sous une pareille tutelle, il est normal que les rapports entre les parents et moi se dégradent. Et les résultats scolaires aussi.

J'avais fini ma 5ème avec éclat. La directrice m'avait mise sur la liste pour passer le concours d'entrée à l'Ecole Normale des Institutrices. J'allais peut-être enfin pouvoir me libérer de la famille.... Depuis quelques temps, j'avais des douleurs abdominales. Cela est normal chez une fille de treize ans. Subitement, à quelques jours du concours, maman fit venir le médecin. Celui-ci me prescrivit du repos... et je perdis par la même occasion l'espoir d'entrer à l'Ecole Normale.

Par la suite je compris que maman avait habilement manoeuvré pour m'empêcher de partir de la maison.

Au mois d'avril, j'ai fait ma communion solennelle (on ne disait toujours pas profession de foi) à l'église du village de ma grand-mère. Auparavant, il fallait faire retraite, c'est-à-dire que mes camarades et moi avons passé trois jours de prière au couvent de Reinacker. Nous avons partagé le quotidien des soeurs et à la fin de notre séjour, nous étions toutes convaincues que notre destin était de prendre le voile.

Je ne ressens aucune joie en me remémorant cette période. La préparation de cette fête fut une galère. La paroisse fournissait l'aube aux communiants. Il était indispensable de porter des chaussures blanches. Maman m'a acheté des chaussures... noires. J'étais catastrophée. Pourquoi pas des chaussures blanches comme toutes les filles ? Parce que... C'est comme ça et pas autrement. Ce n'est que la veille que maman est retournée au magasin pour me chercher de vulgaires chaussures blanches en toile. Et qui ressemblaient à des chaussons.

Et je n'ai plus voulu me "faire bonne soeur".

communion_denise_1960

En septembre 1960, j'entre en 4ème. Pas la peine d'épiloguer... c'est une année désastreuse. Des résultats en chute libre. Je ne peux pas être une crack à l'école si je suis malheureuse chez moi. J'ai quatorze ans et une famille qui ne me comprend pas, qui ne comprend rien à rien. Ma mère continue ses scènes, le militaire étudie toujours. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi je n'ai plus d'intimité : ils ont installé une table dans ma chambre. C'est à présent le bureau du militaire. Et comme il planche ses examens jusque tard dans la nuit, la lumière me gêne, j'ai du mal à m'endormir et je n'ai donc pas mon compte de sommeil. J'ai bien tenté de rouspèter. Peine perdue. C'est ainsi et pas autrement...

Je n'aime plus les études.

Le militaire non plus, du moins momentanément. Il a loupé ses exams. Il y a quand même une justice.

Nombreuses sont mes amies d'enfance qui travaillent à l'usine dès quatorze ans.

Pourquoi pas moi ? Au moins, en gagnant ma vie je serai libre.

Mes seuls bonheurs, c'est quand on va voir ma grand-mère. Nous y passons toutes nos vacances. C'est plus agréables que par le passé, il n'y a plus de vaches, plus de travaux fermiers auxquels il faut participer. Ce sont donc des vraies vacances où ma principale activité consiste à dévorer des romans-photos.

En septembre 1961, on me change d'école. Comme les études ne me réussissent plus chez les bonnes soeurs, les parents décident que je ferai ma 3ème au Lycée Marie Curie. A la Doctrine, toutes les filles portaient des blouses bleues. Premier changement visuel à Marie Curie : les filles sont en blouse beige.  Pas mieux que le bleu. De plus je trouve que ça nous donne mauvaise mine.

Les études ? Bof !... Toujours pas mieux. La dégringolade continue. Les filles ont de l'argent de poche, moi pas. Elles me parlent du nouveau chanteur dont elles ont acheté le microsillon et dont elles sont toutes dingues, un certain Johnny... Certaines commencent à se maquiller (c'est certes interdit par le règlement de l'école), se mettent du crayon noir sur les yeux. D'autres portent déjà un soutien-gorge. Moi, je suis plate comme une limande, bien qu'un peu moins maigre qu'avant. Pourtant je suis réglée depuis un an déjà.

Je me souviens de mes premières règles. J'en ai parlé à mots couverts à ma mère dès que j'ai remarqué des traces brunâtres. Elle fait semblant de ne pas comprendre. Alors je lui parle clairement de ce qui m'arrive. Sans un mot, elle me tend une serviette, me regarde faire, et me dispute parce que je ne la mets pas correctement. Dire qu'à quatorze ans, j'imaginais que ça coulait de derrière. Tout en ayant vaguement discuté du sujet entre copines, j'étais restée très ignorante "de ces choses". Maman avait beaucoup de mal à aborder ce genre de sujet. Alors c'est le militaire qui s'est mis à m'éclairer. Un soir, il prit place à table, me demanda de m'installer en face de lui, et il a commencé sa tirade : "A présent, te voilà une femme, je vais t'expliquer ce qui t'arrive" ...   Maman lui ayant laissé le champ libre, c'était donc à lui de me donner mon premier cours d'éducation sexuelle. Mais moi, je ne lui avais rien demandé. J'ai coupé court à ses explications... Non mais !... Je n'en voulais plus, de ses explications... N'avait qu'à se manifester avant... Et puis d'abord, il n'a rien à voir avec moi...

Maintenant je vais vraiment me débrouiller avec les copines.

Publicité
Publicité
Commentaires
R
Bonjour,<br /> <br /> Arrière cousin de Bernard GOEPP qui habitatait à l'époque dans la maison de l'espion SCHULMEISTER et fréquentait le Lycée Louis Pasteur, votre Bolog me rappelle des souvenirs. J'ai moi- mçme été à Pasteur à partir de 1963.<br /> Belle époque!<br /> <br /> Cordialement!
Publicité